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Octavio Gascon
Gestionnaire du mieux-être, Mercer Marsh Avantages Sociaux
Dans le monde du travail dynamique d’aujourd’hui, il existe un nombre croissant de facteurs « invisibles » susceptibles de présenter une menace pour la santé mentale des employés. Au nombre de ces risques psychosociaux se trouvent les suivants :
De tels risques sont généralement le résultat d’une mauvaise conception des postes ou d’une culture de gestion malsaine, et constituent des facteurs susceptibles d’avoir un impact majeur sur la santé et le bien-être des employés. Le Rapport sur les tendances en santé 2025[1] de Mercer Marsh Avantages Sociaux a montré que les risques psychosociaux (environnement de travail toxique, stress causé par les pressions professionnelles) étaient, au dire des assureurs, le troisième facteur de risque en importance en ce qui concerne les coûts des régimes de soins médicaux fournis par les employeurs à l’échelle mondiale. Pourtant, la Recherche sur les risques liés aux ressources humaines 2024[2] de Mercer Marsh Avantages Sociaux a révélé que seulement 29 % des employeurs avaient en place des initiatives pour créer un milieu de travail psychologiquement sécuritaire et atténuer les causes de détresse mentale liées au travail.
De toute évidence, les employeurs doivent en faire plus pour s’attaquer aux risques psychosociaux et créer un environnement de travail sain et solidaire. Par où devraient-ils commencer?
D’abord et avant tout, les leaders doivent sensibiliser les employés au fait que des rôles professionnels mal conçus et des conditions de travail néfastes peuvent avoir un impact sur leur bien-être mental, et il est également nécessaire d’instaurer une culture dans laquelle les employés peuvent parler librement des pressions qu’ils ressentent au travail. Les leaders doivent s’assurer que tout le monde, à tous les niveaux de l’organisation, comprend les risques psychosociaux qui posent une menace pour le personnel, et que la gestion de ces risques est une responsabilité partagée. Il n’incombe pas uniquement aux RH ou au service responsable de la santé au travail de gérer ces dangers; tous les gestionnaires de personnel ont la responsabilité de gérer les risques auxquels leurs équipes sont exposées.
Il est important que les employeurs effectuent des évaluations des risques appropriées pour repérer les menaces psychosociales particulières auxquelles leurs travailleurs sont confrontés, de même que les personnes qui y sont le plus exposées. Cela implique d’interagir avec le personnel et d’écouter ce que les employés ont à dire. En se contentant de leur demander de signaler les agressions ou les cas de violence, il se peut que certains employés ne se fassent jamais entendre, ce qui ne permettra de ne former qu’une image inexacte de l’expérience globale vécue par le personnel. Les questions normalisées peuvent échouer à saisir les nuances relatives aux façons dont les risques psychosociaux se manifestent dans différents rôles, équipes et emplacements. Par exemple, il arrive souvent que les cas de violence et autres agressions subies par les travailleurs de première ligne ne soient pas signalés[3]. La seule façon de repérer les menaces réelles auxquelles font face les travailleurs est de les impliquer dans les évaluations, en utilisant des groupes de discussion, des canaux officiels de signalement, et des outils d’écoute des employés, pour comprendre les défis particuliers auxquels ils sont confrontés.
Une fois qu’un employeur a repéré les risques psychosociaux auxquels ses travailleurs sont exposés, il doit prendre des mesures proactives pour les atténuer. Il n’y a pas de solutions simples pour y parvenir : les employeurs ne peuvent pas s’attendre à obtenir les résultats désirés en se contentant d’appliquer un ensemble de lignes directrices standard. Il n’y a pas deux secteurs d’activité qui soient exactement similaires, et cela vaut également pour les organisations et les employés. Les employeurs doivent d’abord comprendre ce qu’est le profil de leur personnel et les risques particuliers auxquels il est exposé, puis concevoir des solutions ciblant les causes fondamentales des problèmes qui touchent la santé mentale. Ces solutions peuvent être d’adapter la conception et la gestion du travail, comme en offrant des options de travail flexible et en impliquant davantage les employés dans les processus décisionnels. Cela peut demander de créer des cultures plus solidaires et de meilleurs environnements de travail, qui favorisent une plus grande autonomie, ainsi que des ressources et du soutien pour aider à composer avec les exigences de la vie professionnelle et de la vie personnelle, tout en s’attaquant aux risques sociaux au travail, comme l’intimidation. De telles solutions nécessitent souvent des investissements dans la formation des gestionnaires afin de les aider à reconnaître les besoins de leurs équipes en ce qui concerne la santé mentale et à y réagir.
* Source : Mercer Marsh Avantages Sociaux
* Graphique en anglais seulement
Bien que les employeurs doivent faire tout en leur possible pour atténuer les risques psychosociaux et prévenir les problèmes touchant la santé mentale chez leurs employés, il y aura toujours des personnes aux prises avec de telles difficultés. Et lorsque cela se produit, il est important de leur offrir le plus tôt possible le soutien et le traitement dont elles ont besoin. Cela implique d’établir des canaux de soins qui donnent accès à des prestations de santé mentale et à des services médicaux, comme des consultations psychologiques et psychiatriques, ainsi qu’à des médicaments d’ordonnance pour la santé mentale, des programmes d’aide aux employés, et des soins hospitaliers pour les besoins en santé mentale.
* Source : Mercer Marsh Avantages Sociaux
* Graphique en anglais seulement
Dans de nombreux pays du monde, les gouvernements imposent aux employeurs d’en faire plus pour gérer les risques psychosociaux au travail.
L’Australie a été particulièrement progressiste à cet égard. Au cours des dernières années, ses gouvernements ont mis en place plusieurs lois importantes visant à faire en sorte que les employeurs améliorent leurs pratiques psychosociales en matière de santé et de sécurité, dont la norme ISO 45003 en 2021. Plus récemment, elle a ajouté à sa Loi sur le travail équitable (« Fair Work Act ») de 2009 une modification portant sur le « droit de déconnexion », qui permet aux employés de refuser de communiquer avec leurs employeurs en dehors de leurs heures de travail.[4]
Le gouvernement du Mexique a aussi été actif à cet égard au cours des dernières années. En 2018, il a instauré la norme NOM-035, qui est une loi obligeant les employeurs à mettre en œuvre, à maintenir et à diffuser une politique sur les risques psychosociaux, ainsi qu’à adopter des mesures pour prévenir les facteurs de risque psychosociaux, y compris des évaluations psychologiques pour les travailleurs exposés à ces risques.[5]
Des lois comme celles-ci soulignent la nécessité pour les employeurs de gérer les risques psychosociaux au travail, mais il est important de reconnaître que de simplement s’y conformer ne saurait suffire. La santé mentale ne doit en aucune façon être traitée comme un exercice de « case à cocher ». Les organisations doivent aller au-delà de leurs obligations légales si elles veulent réellement protéger la santé mentale de leurs employés.
En 2023, Mercer Marsh Avantages Sociaux a travaillé avec une agence gouvernementale locale en Australie pour l’aider à combler les lacunes dans sa gestion des risques psychosociaux et de la santé mentale. Une équipe de psychologues expérimentés a élaboré et fourni une solution de santé mentale en trois phases pour soutenir cette agence à tous les niveaux. Cette solution comportait les éléments suivants :
À la suite du succès de ce programme, une formation supplémentaire a été donnée tout au long de 2024 et continuera d’être donnée en 2025 à plus de membres du personnel de l’agence, y compris aux nouvelles recrues.
Au Mexique, Mercer Marsh Avantages Sociaux a travaillé avec un grand détaillant national inquiet des problèmes de santé mentale qu’il observait parmi ses 75 000 employés, notamment des augmentations de l’anxiété, de la dépression et même des tentatives de suicide. Pour comprendre les problèmes auxquels faisaient face ses différents groupes d’employés, il a conçu et mis en œuvre un outil pour analyser les risques psychosociaux, segmentés par zone, unité commerciale et type d’employé, lequel outil a connu un taux de participation de plus de 70 %. Mercer Marsh Avantages Sociaux a collaboré avec ce détaillant pour analyser ces risques et élaborer une stratégie pour gérer les risques les plus importants dans chaque partie de l’entreprise, comprenant des protocoles pour aider les leaders à reconnaître les indicateurs de détresse émotionnelle, à identifier rapidement les symptômes, et à s’assurer que leurs employés accèdent au soutien dont ils ont besoin. Ce programme a entraîné une augmentation de 20 % de l’utilisation du programme d’aide aux employés par le personnel, ainsi qu’une diminution du nombre de « signaux d’alerte » de problèmes de santé mentale rapportés.
En résumé, il est important d’adopter une approche holistique et « intégrée » pour gérer les risques psychosociaux au travail. En sensibilisant les employés, en effectuant des évaluations complètes des risques, en mettant en œuvre des stratégies d’atténuation sur mesure, et en établissant des canaux de soins solides, les employeurs peuvent créer des environnements de travail plus sains et plus solidaires, qui favorisent le bien-être mental des employés. Cela profitera non seulement aux employés eux-mêmes, mais aussi à la résilience organisationnelle, à la productivité et à la réussite à long terme.
1 Mercer Marsh Avantages Sociaux. Rapport sur les tendances en santé de 2025, 2024
2 Mercer Marsh Avantages Sociaux. Rapport « Risques liés aux ressources humaines 2024 », 2024
3 C. Song, G. Wang et H. Wu. « Frequency and barriers of reporting workplace violence in nurses: An online survey in China », International Journal of Nursing Sciences, volume 8, numéro 1 (2021), pp. 65-70
4 Australian government Fair Work Ombudsman. « Right to disconnect », consultable sur www.fairwork.gov.au
5 American Bar Association. « MEXICO – NOM-035 on Psychosocial Risks Takes Effect », consultable au www.americanbar.org
Gestionnaire du mieux-être, Mercer Marsh Avantages Sociaux
Directrice, Services-conseils, Australie, Mercer Marsh Avantages Sociaux