Par Ernest Eng ,
Directeur du groupe d’expertise régional, Marsh Services-conseils, et responsable des analyses, Inde, Moyen-Orient et Afrique
02/06/2024 · Lecture de 5 minutes
Les pertes liées au climat sont déjà des événements importants qui forcent les organisations à élaborer de nouvelles stratégies et à adapter leurs modèles d’affaires pour protéger leurs actifs et leurs bilans.
Par exemple, aux États-Unis, il y a eu 376 événements confirmés de catastrophe météorologique ou climatique avec des pertes assurées dépassant 1 milliard de dollars américains entre 1980 et 2023.
Les phénomènes météorologiques extrêmes et les catastrophes naturelles, y compris les ouragans, les sécheresses, les inondations et les épisodes de chaleur extrême, peuvent entraîner des blessures et la mort, des dommages matériels, des perturbations de la chaîne d’approvisionnement, des atteintes à la réputation et plus encore. Selon le rapport sur les risques mondiaux de 2024 du Forum économique mondial, les dirigeants d’entreprises de nombreux secteurs considèrent maintenant les catastrophes naturelles comme l’un des cinq principaux risques à l’échelle mondiale.
Source : US National Oceanic Atmospheric Administration (NOAA)
* Graphique disponible en anglais seulement
Pour le secteur de l’énergie, la vulnérabilité climatique est particulièrement pertinente pour certaines catégories d’actifs où les codes du bâtiment peuvent être insuffisants en raison de l’exposition croissante à des événements extrêmes. L’infrastructure énergétique n’est souvent pas conçue pour résister à des conditions météorologiques extrêmes plus fréquentes et plus intenses, que ce soit en raison de son âge ou de sa fonction. Il s’agit de l’un des facteurs déterminants de la multiplication des coûts pour les pertes liées au climat. Les variations géographiques dans les conditions météorologiques ajoutent une autre couche de complexité pour les exploitants de plusieurs sites ou les exploitants multinationaux qui peuvent avoir des actifs exposés au stress thermique et aux inondations ou aux inondations côtières au Moyen-Orient, ou aux cyclones tropicaux en Asie ou en Australie. Les entreprises exposées directement ou indirectement aux risques dans les régions vulnérables peuvent présenter des risques de crédit et de marché plus élevés, et faire l’objet d’une surveillance accrue de la souscription, ce qui peut avoir une incidence sur les dépenses opérationnelles et la rentabilité.
La réalité des changements climatiques signifie que les entreprises doivent repenser leurs besoins et leur conception en matière d’infrastructure. À mesure que les systèmes d’énergie deviennent plus complexes avec l’intégration de différents types de technologie, la résilience des infrastructures ne consiste plus à remettre des actifs uniques en service après un événement perturbateur. Lorsque des parties interdépendantes d’un système sont touchées, le système dans son ensemble est à risque. Les incidents comme les récents incendies de forêt au Canada démontrent que le rétablissement du système d’énergie peut être retardé pendant des jours, voire même des semaines, si des parties essentielles du système ne peuvent pas être rétablies de manière autonome.
La gestion proactive des risques peut également vouloir dire que les entreprises doivent investir dans une infrastructure supplémentaire, comme les systèmes de sauvegarde et l’infrastructure de défense contre les inondations.
Le nombre d’événements météorologiques extrêmes enregistrés chaque année a augmenté d’un facteur de cinq au cours des 50 dernières années. La US Energy information Administration estime qu’un ouragan à impact élevé pourrait entraîner une perte temporaire de la production mensuelle de pétrole brut à l’étranger d’environ 1,5 million de barils par jour (b/d) et une perte temporaire quasi équivalente de la capacité de raffinage. Et l’indice des risques d’inondation de Marsh McLennan montre que 23 % de la capacité de production d’énergie mondiale est actuellement menacée par une inondation, et que cette exposition devrait augmenter à 37 %, 41 % et 48 % selon les scénarios d’augmentation des températures de 1,5 °C, 2 °C, et 3,5 °C.
Les changements dans l’intensité et la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes, ainsi que les écarts saisonniers par rapport aux conditions météorologiques moyennes, ont une incidence sur l’infrastructure énergétique actuelle et future, ce qui compromet la sécurité et la fiabilité de l’énergie. Les répercussions potentielles sur les systèmes d’énergie comprennent les pannes de courant, l’arrêt des centrales nucléaires et thermiques en raison des vagues de chaleur étendues ou des sécheresses, ainsi que l’évolution des tendances pluviométriques affectant la production d’hydroélectricité. Dans un récent sondage, les événements météorologiques extrêmes ont été classés parmi les principales préoccupations des dirigeants du secteur de l’énergie aux États-Unis et dans certaines régions de l’Asie-Pacifique, de l’Amérique latine et de l’Afrique.
Les installations et les infrastructures sont généralement conçues pour faire face aux conditions météorologiques prévues où elles sont situées, ce qui explique en partie pourquoi l’incidence des phénomènes météorologiques « atypiques » et extrêmes peut être si prononcée. Par exemple, les températures froides au Texas en 2021 qui ont entraîné des arrêts d’usine ou des vagues de chaleur en Europe qui ont entraîné des contraintes d’approvisionnement.
Les organisations qui comprennent ces risques et qui déploient une conception d’infrastructure résiliente et adaptable seront mieux placées pour réduire l’incidence potentielle des pertes liées aux événements météorologiques extrêmes.
Les scénarios d’évaluation des risques climatiques peuvent être difficiles à élaborer en raison de l’imprévisibilité des événements météorologiques et de la corrélation potentielle des répercussions sur l’économie mondiale à partir de facteurs comme la migration involontaire, l’utilisation changeante des terres et l’urbanisation accrue. Néanmoins, compte tenu de l’importance des risques climatiques et de l’augmentation des obligations de divulgation aux parties prenantes et aux organismes de réglementation, ces évaluations deviennent de plus en plus courantes, car les méthodologies de quantification et l’accès aux données appuyées par la recherche universitaire continuent de s’améliorer.
Une priorité clé doit être de comprendre clairement les risques climatiques actuels et futurs comme fondement pour l’élaboration de plans d’ingénierie, de résilience financière et d’adaptation afin de donner confiance à toutes les parties prenantes, y compris les investisseurs, les clients et les organismes de réglementation.
Afin d’aider ses clients à se préparer à réagir aux pertes potentielles liées au climat, Marsh utilise un processus en trois étapes pour analyser le risque et la résilience de trois aspects principaux : le matériel, les logiciels et les plans d’interventions en cas d’urgence.
La transition énergétique offre l’occasion de développer un secteur énergétique plus robuste et plus résilient.
L’évolution du paysage des risques présente de nouvelles demandes pour les exploitants, y compris de nouvelles réglementations et une surveillance croissante de la part des investisseurs et des autres parties prenantes. Les changements climatiques et le risque croissant de pertes liées aux conditions météorologiques représentent un risque à l’échelle de l’entreprise ayant des répercussions sur les activités, les chaînes d’approvisionnement, les obligations environnementales, la réputation de l’entreprise et plus encore. Pour atténuer les pertes liées aux conditions météorologiques, les organisations effectuent de plus en plus d’évaluations sophistiquées des risques climatiques afin d’évaluer l’étendue, la nature et la complexité de leurs expositions aux risques.
L’augmentation de la résilience de l’infrastructure énergétique afin de la protéger contre les phénomènes météorologiques extrêmes n’est plus une question facultative; il s’agit maintenant d’une nécessité. Les systèmes d’énergie doivent être plus intelligents, pas seulement plus robustes; et maintenant, le moment est venu pour les chefs de file mondiaux de l’énergie de se concentrer sur l’objectif de pérenniser les actifs qui alimentent notre monde.